Nous continuons avec vous notre découverte du yama, le premier membre du yoga selon Patañjali. Si vous rencontrez tout juste le concept du yama, nous vous invitions à découvrir notre article sur le yama dans le Yoga Sūtra. Dans cet article, nous allons découvrir Asteya, la troisième observance du yama. Sa traduction est toute simple. En sanskrit, Asteya se traduit par « ne pas voler ». Quand on connaît un peu les yoga Sūtra de Patanjali, on peut s'étonner de cette clarté du propos et on pourrait se dire qu'appriori, on est dans les clous pour cette observance du yama. Asteya est comme les autres observances du yama, c'est une porte qui s'ouvre vers un horizon plus large pour se découvrir dans une acceptation plus large. Nous le répétons à chacun de nos articles sur le yama, mais c'est important de le dire : Asteya, à l'instar des autres yama, sont des observances à suivre, mais aussi à méditer tout au long de son chemin de vie. Vous trouverez ici les fondements et un certain regard, mais l'essence d'Asteya se découvre par soi-même dans l'action et la méditation.

Yama, en quelques mots
En résumé et pour rappel, le yama est le premier pilier du yoga. Ici, yoga doit être appréhendé dans son caractère holistique et pas seulement postural. Le yama est le socle, le premier pas et la réflexion constante qui permet d'avancer sur le chemin de l'éveil, Samadha. Dans le yama, nous retrouvons cinq observances :
- Ahimsa
- Satya
- Asteya
- Brahmacharya
- Aparigraha
Elles égrainent les qualités qu'un yogi doit développer dans sa relation avec le monde. Contrairement à ce que l'on peut parfois entendre, le yoga holistique n'est pas une philosophie individualiste qui nous propulse dans une vision du monde hors-sol. Le yogi vit dans ce monde et pas en opposition avec lui. Il apprend simplement à se détacher pour trouver sa part d'universel et devenir ainsi de faire complètement partie de l'universel. Le lien est palpable : quand le yogi parvient à se détacher du matérialisme en suivant Brahmacharya, il devient de facto moins envieux, moins égoïste et toute l'énergie qu'il pouvait mettre à servir l'objet de son désir, il peut le concentrer à autrui. On pourrait dire qu'en s'améliorant lui-même, il améliore le monde. Yama n'est pas une table des lois même si on retrouve des lois universelles communes à la plupart des religions. Asteya est l'exemple parfait ; » tu ne voleras point ». Cette observance montre comment l'attitude positive que l'on offre au monde peut nous revenir comme une sorte de boomerang bienveillant.
Asteya : tu ne voleras point
Voler « Prendre, s'approprier quelque chose qui est le bien d'autrui par la ruse ou par la force » Larousse.
Asteya est une observance qui fait écho aussi bien aux commandements divin qu'à la législation. Il est vrai que Patanjali a compulsé son ashtenga par rapport à des textes et surtout par des connaissances transmises par des sages à l'aube des civilisations. On peut penser que c'est une loi qui vise à créer une vie serine en société. Pourtant, les Yoga Sūtra sont un guide qui développe les différentes étapes pour atteindre l'éveil. Le « tu ne voleras pas « du yama a un sens au travers du prisme du yoga avec l'objectif de la libération. Finalement, l'acte de voler sans parler de la Morale, est la résultante de l'envie, d'un besoin de possession irrépressible de posséder une chose qui peut aussi bien être anodine que vitale pour le voleur. On peut penser aux petits chiffonniers de Delhi subtilisant un fruit sur un étale d'une rue passante ou d'une personne volant le dernier smartphone dont la nécessite ne semble pas impérieuse. Voler, c'est prendre à quelqu'un quelque chose qui n'est pas à soi. Cela est un contre-sens sur le chemin de l'éveil où la libération passe par le renoncement au superflu.
Pour un yogi, voler quelqu'un d'autre, c'est se voler soi-même, car l'autre est une partie de nous qui constitue l'universel. En agissant de la sorte, le yogi ne contrôle pas son désir et en devient l'objet. De plus, les conséquences de son acte sur l'autre personne sont incalculables. C'est le fameux effet papillon et l’écho de nos actes qui résonnent dans le monde. Même si le voleur n'a pas conscience de tout cela, il s'impose toute une kyrielle d'effets négatifs et donc d'énergie négative pour son corps, son énergie et son esprit : la peur de se faire attraper, le stress et, sans doute, des remords et des regrets qui peuvent surgir des années après. La règle sur votre tapis de yoga est de ne pas pratiquer dans la force et dans la recherche d'une performance. C'est le respect de notre corps que nous développons en apprenant à le connaître. Si les actions en dehors du tapis de yoga sont source d'une souffrance, il faut y renoncer. En ne volant pas, vous ne vous faites pas souffrir et l’écho de cette action, c'est que vous ne faites pas souffrir autrui.

Asteya : pour se départir de l'envie de posséder
La possession, là encore, c'est sans doute un peu plus que le matériel.
- Quand le désir de prendre disparaît, les joyaux apparaissent.
Asteya pratishthayam sarva ratna upasthanam.
II-37 Yoga Sūtra .
En s'oubliant, c'est-à-dire en ne désirant plus, en acceptant simplement de ne pas avoir, de ne pas posséder pourrait nous révéler des beautés que nous ignorons en voulant les acquérir notamment en compromettant notre âme. C'est un peu étrange pour un yogi perdu dans un monde où posséder est la quête perpétuelle, mais si on parvient à faire disparaître le désir entre nous et l'objet, on retire un filtre et on le laisse apparaître dans toute sa richesse sans en être dépendant. Le « tu ne voleras pas » du yoga évoque aussi cette libération, peut-être même plus que l'action de voler.
Est-ce qu'Asteya peut également évoquer nos relations avec l'autre ? C'est sans doute quelque chose à méditer en se demandant si l'amour ne peut pas être plus grand si on renonce à posséder l'objet de notre amour. C'est une libération puisqu'on est plus assailli par l'envie et le désir et, ainsi, on pourrait chercher à aimer sans condition et souffrir des perturbations. Est-ce que ceux qui marchent sur le chemin du karma yoga ont besoin d'Asteya pour aimer sans rien attendre en retour ? Asteya, c'est aussi ne pas prendre ce que l'on nous ne donne pas et s'épargner la souffrance de la conquête ?