Le Yama est le premier pilier du yoga selon Patañjali qui en compte huit pour former l'Ashtanga. (Consultez notre article sur Les huit membres du yoga). Ce premier pilier est une étape essentielle pour tout apprenti yogi. On retrouve l'idée holistique du yoga où le corps et l'esprit sont intrinsèquement liés. La morale ne s'impose pas sous une forme dogmatique, mais plutôt comme un cheminement vers un état de conscience. Dans le christianisme, il y a les sept péchés capitaux qui s'imposent comme un dogme. Ils ne se discutent pas, ils doivent être proscrits par les croyants. La morale dans le yoga est un chemin à parcourir sans cesse, car elle demande d'être comprise et développée. Et cela n'appartient pas à une personne extérieure, mais bel et bien à celui qui étudie. Cette étude et cette compréhension permettent d'aller plus loin dans cette discipline morale qui permet de se purifier et de se libérer de soi-même. Un yogi ne cessera jamais d'observer le yama, car la compréhension de ce code moral éclairera toutes ses pratiques de yogi comme le yoga ou la méditation, mais sa relation à autrui.
C'est quoi le Yama ?
En sanskrit, yama est un verbe qui signifie " tenir en main", "contenir", "soutenir", "porter", "refréner", "maîtriser","mettre en ordre". Le fait que ce premier membre soit un verbe sous-entend que ce premier pilier est une action. On peut voir ce code de conduite non pas comme des lois gravées dans le granit, mais plutôt comme le creuset d'un alchimiste où le yogi va réchauffer son « âme impure » pour la transformer en or. Si le yama est le creuset, il contient cinq observances morales qui seront autant d'ingrédients pour transformer son plomb en or, c'est-à-dire se purifier.
Pourquoi, le yama est le premier menbre du yoga ?
Il faudrait le demander à Patañjali, mais on retrouve la philosophie holistique indienne qui étudie, le corps, le mental et l'âme comme un tout. Il paraît donc logique de travailler son mental et sa conscience avant d'aller sur le travail du corps. Souvent avant de se lancer dans les asanas, on cherche à se détendre et à lâcher prise, à se purifier du quotidien. Et bien le yama, c'est le même exercice, sauf que c'est celui d'une vie. Cette purification passe par cinq règles à suivre.
Première observance du yama : Ahimsa
C'est la non-violence dans un sens très large. Ahimsa est profondément ancrée en Inde et dans son histoire, même si elle est parfois oubliée comme aujourd'hui. Cette non-violence commence par soi-même. Nous ne devons jamais nous faire violence. C'est totalement à l'opposé de notre conscience occidentale où l'inverse est prônée « Arrête de t'écouter, fais-toi violence, il faut souffrir pour être beau ».... Ahimsa est donc par extension le chemin pour apprendre à se connaître et s'aimer. Et c'est ainsi qu'est le dépassement dans le yoga. On progresse dans l'amour de soi, sans forcer, sans se faire mal. Ahimsa, c'est aussi la non-violence envers tous les autres. C'est celle prônée par Gandhi, mais aussi Martin Luther King et des générations de pacifistes. La non-violence qu'évoque Ahimsa concerne aussi le vivant avec le respect de la nature et des animaux. Il faut donc comprendre Ashima dans toute son amplitude. Ahimsa signifie « ne pas blesser ». On parle aussi bien de l'épée que de langues aiguisées. Et finalement à force de non-violence, ne parviendrait-on pas à la paix intérieure ?
Deuxième observance du yama : Satya
Satya est tout simplement, si j'ose dire, la Vérité. Cette deuxième règle ne vous demande pas de trouver la Vérité, si elle existe, mais d'en faire votre longue-vue quand vous vous regardez dans le miroir. Satya est aussi traduit par honnêteté, justice et vérité. Comme toujours, il faut penser que le yama est la première étape d'un chemin vers l'éveil. Comment un cœur qui se ment, un esprit qui se cache derrière les mensonges, aussi doux soient-ils, pourrait trouver le chemin de l'éveil ? Satya n'est pas une vérité dogmatique à découvrir, elle est bien plus difficile, car c'est celle que l'on se doit à soi-même et que notre ego prend soin de nous cacher. Satya, c'est appendre à se regarder avec objectivité et honnêteté pour trouver sa vérité et son chemin vers l'éveil.
Troisième observance du yama : Asteya
Asteya veut dire « ne pas voler », mais là encore, le sens est bien plus large. On parle aussi d'honnêteté et d'intégrité. Il y a bien longtemps que des hommes ont compris que ce n'est pas nous qui possédons les objets, mais l'inverse. « Ne pas voler » n'est pas ici une injonction morale, mais plutôt un conseil pragmatique. Le vol met l'esprit dans le mensonge, la culpabilité, la peur d'être confondu. C'est donc une source de déséquilibre et donc d'un esprit qui n'est pas lucide et limpide. « Voler », c'est aussi blesser l'autre, c'est donc contraire à Ashima.
Quatrième observance du yama : Brahmacharya
Dans le yoga Sutra, on trouve cet aphorisme :
« L'être établi dans la modération gagne une bonne énergie de vie ».
Brahmacharya, c'est la modération et le contrôle de ses désirs. Le yogi à travers Brahmacharya va chercher à s'en libérer. Rappelons que la chasteté est prônée par les Sadhû et les maîtres yogis. Il n'est pas question uniquement de sexualité. On retrouve Asteya et cette voie de la frugalité. Il faut dépasser ses désirs et ses envies qu'ils soient matériels ou charnels. Cette modération est très bien imagée par Iyengar :
« La modération est la flamme qui allume la torche de la sagesse ».
Cinquième observance du yama : Aparigraha
Aparigraha est le renoncement à la fortune et le rejet du matérialisme pour aller librement et entièrement vers la spiritualité. Aparigraha est forcément nourri par Asteya et Brahmacharya . En allant un peu plus loin, on se rend compte que le sens de cette règle va bien plus loin que le renoncement aux bien matériels. C'est le détachement à toutes choses qui rendent dépendant et qui va empêcher le lâcher-prise et le détachement qui sont fondamentaux dans le yoga. Aparigraha représente la frugalité. Elle est matérielle, psychologique et sentimentale.
Le yama est la première étape du chemin vers l'éveil et il peut paraître incompatible avec la vie en Occident. Il ne faut pas le prendre à la lettre et vendre tous vos biens en errant comme un Sâdhu dans votre ville. N'oubliez pas la modération en toute chose avec Brahmacharya. C'est un cheminement qui est suivi par les moines bouddhistes, les Janistes, terme qui vient du Sanskrit, Jana qui veut dire « vainqueur de ses sens, les sâdhu. L'idée est de faire ses choix sans oublier Ahimsa, la non-violence, c'est-à-dire sans en souffrir. Si vous n'arrivez pas à abandonner un plaisir, une abondance, une possession est une source de souffrance, c'est que vous n'êtes pas prêt. Et cela, il faut le comprendre sans se mentir, sans se trouver des excuses en utilisant Satya. En utilisant Aparigraha, vous apprendrez à vous délester, même de ce qui vous semble indispensable. Le yama doit vous aider à vous sentir mieux, plus libre, l'esprit plus clair... Il doit vous accompagner dans le quotidien et sur votre tapis de yoga.