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Yoga Sūtra de Patañjali : Dharana , le sixième pilier

La concentration totale et continue

Nous continuons notre étude des Yoga Sūtra de Patañjali avec cette fois le sixième pilier, Dharana. Pratyahara nous a enseigné  à retourner en nous  en bâtissant un pont entre l'extérieur et l'intérieur. Cette construction est de longue haleine et difficile. Dharana est un outil qui va nous permettre de parvenir plus facilement à notre moi. Dharana, c'est la concentration totale et absolue sur un point fixe.

Dharana en sanskrit signfiie :

  • qui tient
  • qui porte
  • qui garde
  • qui protège

Dans le Yoga Sütra, on le trouve sous cet aphorisme :

  •  Désha-bandhash chittasya dhâranâ  : Dharana est l'art de la concentration parfaite sur un point.

C'est quoi Dharana ?

Les obstacles à franchir pour Dharana

La concentration peut sembler aller de soi dans la pratique du yoga. La pratique des asanas et la prise de conscience de son corps demandent beaucoup de concentration. Les débutants qui lisent ces lignes doivent savoir que la concentration est comme un membre du corps, plus nous allons la travailler, plus elle sera simple à trouver et plus elle sera efficiente. On trouve plus facilement les difficultés qu'on éprouve à se concentrer quand on s'essaye à la méditation. L'esprit va partir dans tous les sens et se rattacher au moindre bruit, à la moindre sensation pour s'échapper. Si Dharana est le sixième pilier, c'est que Patanjali estime qu'il faut avoir travaillé les six premiers avant de chercher à l'atteindre. Et Patanjali ne connaissait pas le 21e siècle où la capacité de concentration s'est largement dégradée de génération en génération. On peut l'expliquer assez simplement. Notre temps de cerveau disponible est aspiré par le quotidien, mais il est en plus devenu une marchandise qu'il faut absolument accaparer. Les stimuli visuels et sonores sont incessants et même en rentrant dans notre maison, nous avons les smartphones qui nous alertent sans cesse des dernières nouvelles, d'un like sur un réseau social et tant d'autres choses... Nous n'avons plus aucun endroit pour faire une pause. A contrario de ce que demande Dharana, nous avons entrainé nos cerveaux à sauter d'une pensée à l'autre.

En plus de ces difficultés contemporaines, il existe le vieil ennemi des pratiquants de yoga et des adeptes de la méditation : l'ego. L'ego, ou le mauvais moi, est représenté par le mental. Pour être pragmatique, on pourrait parler de la nuée de pensées qui nous passe dans la tête à chaque instant. Évidemment, les stimuli dont nous parlions ne font que densifier cette nuée. L'ego pour avoir conscience de lui-même a besoin de penser. Rien ne lui fait plus peur que l'absence de conscience et surtout que vous l'ignoriez en vous concentrant sur autre chose. On peut dire qu'il est du genre exclusif. Et pour lui, la méditation est une vraie provocation. Vous savez lorsque vous vous installez sur votre zafu de méditation pour la première fois et que vous vous dites « je ne pense pas... Si je pense que je ne pense pas. » C 'est l'ego qui refuse de vous laisser partir. Trivialement, apprendre à se concentrer et développer Dharana, c'est le faire taire.

Comment s'exercer à Dharana ?

Il faut savoir que la spécificité de Dharana est la concentration illimitée. Il faut être capable de rester focaliser sur un point précis qui peut être un objet, sa respiration ou sur un endroit de son corps. L'objectif est de se libérer de l'ego pour découvrir un état de conscience plus profond et plus intense. Dharana ne doit pas être confondu avec l'étape suivante qui est Dhyana, l'instant où la conscience se libère du temps, de l'espace et de la causalité. C'est l'état suprême qui ne s'acquiert que par le travail en respectant les étapes. Souvent, nous oublions que l'esprit n'est pas plus malléable que le corps et que lui aussi doit gagner en souplesse. Dharana permet de s'entraîner sur une concentration continue. C'est le fondement de Dharana. L'exercice ne consiste pas à trouver une intensité dans la concentration, mais plutôt d'être capable de la garder sans interruption le plus longtemps possible. Pour s'exercer, rien de plus simple, tout du moins en théorie. Il suffit de se concentrer sur une chose unique pour débuter. Avant même de passer à l'exercice proprement dit, il faut s'entraîner à rester concentré sur ce que l'on fait. Vous préparez à manger, focalisez-vous uniquement sur la découpe d'un légume. Vous vous promenez sur la plage,  concentrez-vous sur la brise contre votre peau.  Et vous verrez que ce n'est pas si aisé. En marchant ou assis sur un banc, focalisez votre esprit sur un point précis. Laissez les pensées s'échapper. Ces exercices vont vous permettre de comprendre combien il est difficile d'échapper à ce bruit intelectuel permanent.

Trouvez les bonnes conditions pour  Dharana

Ensuite, on peut aller vers des exercices de méditation où l'esprit va se focaliser sur la respiration, un endroit précis comme pour la méditation trataka. On peut utiliser la flamme d'une bougie ou un point sur un mur, mais pour les débutants, il faut commencer par une zone plus large et au fur et à mesure la réduire jusqu'à parvenir à un point. Au début, nous vous conseillons d'éliminer tout ce qui peut venir distraire votre esprit, car vous verrez que vos pensées sont largement suffisantes pour cela. On pense évidemment au bruit, mais il faut aussi penser au confort et donc à la posture. La posture du Lotus, et même celle à genoux, sensée être plus confortable, vont être douloureuse pour un débutant. La douleur, mais aussi le froid ou le trop chaud, sont autant de portes de sortie pour l'esprit. L'utilisation d'un coussin de méditation vous permettra d'être confortablement assis tout en maintenant naturellement la bonne posture. Une couverture de méditation permet de rester bien au chaud.

Les bienfaits de Dharana

La pratique de Dharana apprend une chose essentielle qui dépasse largement votre tapis de yoga ou votre banc de méditation. Les bienfaits vont tout simplement irradier votre vie. Apprendre à être ancré dans le présent, sans se perdre dans le passé ou se projeter dans le futur, c'est s'engager totalement dans ce que l'on est en train de faire. Chaque instant, chaque seconde prendra corps. Quand on parvient à atteindre cet état, il n'est pas question de cause, pas plus de conséquence. La peur de l'échec ou même du succès, les questions ne viendront plus perturber l'action que vous souhaitez réaliser. Dharana, c'est la voie de la sagesse. L'esprit sera posé et reposé, l'intelligence plus vive et l'âme tellement plus légère.